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Fighting corruption in Africa: A mission of justice and good governance

Bégoto Miarom[1]

Il ne fait aucun doute que la corruption[1] est une gangrène qui ronge le tissu économique et social, voire politique des pays qu’elle attaque. C’est un handicap majeur au progrès et à la prospérité des États, en particulier ceux en développement. Une route qui se dégrade, un immeuble ou un stade qui s’effondre, des structures éducatives ou sanitaires peu performantes ont souvent pour cause la corruption. Les conséquences économiques et sociales sont souvent catastrophiques. L’Afrique reste malheureusement le continent le plus touché par ce fléau. Aussi, investir dans la prévention et la lutte contre la corruption devrait permettre à tout État, et particulièrement ceux d’Afrique, d’en limiter les effets négatifs afin d’atteindre, à l’orée 2063, « une Afrique de bonne gouvernance, de démocratie, de respect des droits de l’homme, de justice et de primauté du droit »[2].

I. Lutter contre la corruption pour mettre fin aux violations des droits de l’homme

Le lien entre la corruption, les droits de l’homme et le développement ne peut être sous-évalué et encore moins ignoré. Au niveau international, les Nations Unies ont reconnu la relation entre la corruption, les droits de l’homme et le développement en œuvrant à l’avancement d’une Résolution sur l’impact négatif de la corruption sur la jouissance des droits de l’homme[3]. Ce qui d’ailleurs ne vient que confirmer les préoccupations de l’ancienne Commission des droits de l’homme qui, en 1992, avait déjà reconnu le lien entre corruption et violations des droits humains en condamnant l’enrichissement criminel des responsables étatiques et leurs effets négatifs sur la communauté.

La relation entre la corruption et les droits de l’homme est particulièrement évidente sur le continent africain :

  • Le préambule de la Convention africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption (la Convention) reconnaît les effets négatifs de la corruption et de l’impunité sur la stabilité politique, économique, sociale et culturelle des États africains et ses effets dévastateurs sur le développement économique et social des populations africaines. Il reconnaît également que la corruption sape l’obligation de rendre compte et la transparence dans la gestion des affaires publiques et du développement socioéconomique sur le continent ;

  • L’article 3(2) de la Convention établit comme l’un de ses principes le respect des droits de l’homme conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et aux autres instruments pertinents relatifs aux droits de l’homme ;

  • Le Conseil consultatif de l’Union africaine sur la corruption (CCUAC) qui a été créé en tant que mécanisme de suivi de la Convention qui requiert que le Conseil établisse d’étroites relations notamment avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (article 22. 5/g).

La Convention reconnaît donc le lien indivisible entre la corruption, les droits de l’homme et le développement et établit une relation de complémentarité entre le Conseil consultatif et la Commission africaine à cet égard.

Parce qu’elle influe négativement sur le développement et empêche l’application universelle des droits de l’homme en déformant les relations, la corruption est une cause de discrimination.

La relation causale entre la corruption et le sous-développement est aussi perçue en ce qui concerne les droits socio-économiques. La corruption impacte l’offre juste et équitable de biens et de services publics, notamment les soins de santé, l’éducation et l’eau. L’impact de la corruption sur le déclenchement et la facilitation des flux financiers illicites est aussi une raison majeure pour laquelle certains États ne peuvent pas consacrer de ressources à la pleine réalisation de droits socio-économiques tels que l’accès au logement, l’éducation universelle et l’eau[1].

La corruption freine par ailleurs le développement équitable entre hommes et femmes dont les femmes et les filles paient le plus lourd tribut. Les femmes qui sont déjà marginalisées dans nombre de nos sociétés sont exposées à des pratiques de corruption notamment différentes formes d’exploitation sexuelle pour pouvoir subvenir à leurs besoins.

Enfin, la corruption impacte sur le développement civil et politique d’un État, en particulier dans les processus électoraux et civiques. La corruption peut être utilisée pour déformer la volonté des peuples par le truquage des élections qui engendre, à son tour, la violence et les conflits électoraux. Il n’est plus besoin de démontrer comment, en Afrique, des élections contestées, dont la corruption est un facteur majeur, ont donné lieu à de violents conflits dans nombre de nos pays.

Il est également impératif de renforcer les efforts de lutte contre la corruption si l’Afrique veut atteindre l’objectif de restaurer la primauté du droit et la justice.

II. Lutter contre la corruption, pour restaurer l’État de droit et la justice

Parce que la corruption freine gravement le développement de nos pays, investir dans son éradication est un modèle de justice à pérenniser.

Pour ce faire, il existe certaines solutions à ces défis :

  • Réitérer la nécessité d’un réel engagement politique pour une meilleure lutte contre la corruption en Afrique ;
  • Mobiliser toutes les ressources et synergies pour mener une vaste campagne de lutte contre la corruption, tel que le prévoit la Déclaration Assembly/AU/Decl.1(XXXI) de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union africaine portant sur l’année africaine de lutte contre la corruption (2018) ;
  • Accorder une plus grande attention à la corruption dans le contexte des droits de l’homme et du développement. À cet effet, un accent particulier doit être mis à la réorientation de notre culture et de notre attitude à l’égard des pratiques de corruption. Des actions communes de prévention et de sensibilisation sur les effets négatifs de la corruption sur les droits de l’homme doivent être menées par toutes les parties prenantes ;
  • Renforcer davantage les normes et les liens institutionnels entre les organismes pertinents, dotés de mandats portant sur ces questions. Les défis sont de nature transversale et les solutions devraient donc l’être également ;
  • Prendre des mesures plus importantes pour garantir l’existence de sanctions des pratiques de corruption. Le Protocole portant amendements au Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme (Protocole de Malabo de 2014) propose de conférer à la Cour une compétence sur les crimes économiques de corruption (article 28 I), de blanchiment de capitaux (article 28 I bis) et d’exploitation illicite des ressources naturelles (article 29 L bis). Un accent particulier est aussi mis sur la responsabilité pénale des entreprises (article 46 C). Aussi un large plaidoyer doit être fait pour la ratification de cet instrument ;
  • Se référant à la Décision Assembly/AU/Dec.774(XXXIII) de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement portant sur la Position Africaine Commune sur le Recouvrement des Avoirs (2020), il serait judicieux de veiller à sa vulgarisation, son appropriation et sa mise en œuvre par tous les États africains.

Malgré les efforts déployés pour lutter contre la corruption, le fléau reste un problème endémique dans la plupart de nos pays d’Afrique subsaharienne. Les politiques de lutte contre la corruption qui ont été promulguées n’ont pas été suffisamment opérationnalisées. De même, les lois promulguées par nos États pour promouvoir la transparence et le devoir de rendre compte n’ont pas ou peu été mises en œuvre.

 

La lutte contre la corruption ne pouvant être l’apanage des Gouvernements uniquement, une action concertée et commune s’avère plus que nécessaire afin de joindre les forces, les énergies et les stratégies car lutter contre ce mal contribuerait à restaurer l’État de droit, la justice et mettre un terme aux différentes violations des droits de l’homme constatées çà et là.

 

Nous devons, en tant que générations présentes, unis dans la diversité, jeunes et vieux, femmes et hommes, filles et garçons, de toutes les couches de la société, prendre conscience que le destin de notre continent est entre nos mains et qu’il nous faut œuvrer ensemble, maintenant, pour forger l’avenir que nous voulons :

 

  • « Une Afrique où la bonne gouvernance, la démocratie, le respect des droits de l’homme, de la justice et de l’État de droit sont à l’ordre du jour ;
  • Une Afrique dont le développement est axé sur les populations, qui s’appuie sur le potentiel notamment des femmes et des jeunes, qui se soucie du bien-être des enfants »[1];
  • Une Afrique avec des jeunes engagés et responsabilisés.

 

Plus que jamais, il est impérieux et vitale d’adopter ce modèle de justice car lutter contre la corruption reste « une option viable pour la transformation de l’Afrique »[2].

 

[1] Master Droit international des Droits de l’Homme (Université Catholique de Lyon) et Master Droit Privé général (Université Lyon 2), Président du Conseil consultatif de l’Union africaine sur la corruption.

[2] Il n’existe pas de définition unanime de la corruption. Cette dernière, d’après Transparency International, peut s’entendre comme étant « le détournement à des fins privées d’un pouvoir confié en délégation ».

[3] Aspiration 3 de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine : l’Afrique que nous voulons.

[4]  Résolution 23/9 du 29 juin 2015 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

[5] En janvier 2015, la 24ème Session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union africaine avait adopté́ la Déclaration spéciale sur les Flux financiers illicites (Assembly/AU/Decl.5(XXIV) et approuvé les conclusions et recommandations du Rapport du Groupe de haut niveau de l’Union Africaine/ Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique sur les Flux financiers illicites en provenance d’Afrique. La Conférence s’était également résolue à faire en sorte que toutes les ressources financières perdues en raison de la fuite illicite de capitaux et des flux financiers illicites soient identifiées et rendues à l’Afrique afin de financer son programme de développement.

[6] Aspirations 3 et 6 de l’Agenda 2063.

[7] Thème de l’Année 2018 déclarée par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union Africaine : « Vaincre la corruption : une option viable pour la transformation de l’Afrique ».

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