Maître Jil-Benoît K. Afangbedji
L’accès au droit et à la justice, loin d’être une simple question de société, est devenue à ce jour, une véritable nécessité car étant une évidente composante des Droits de l’Homme, que les Etats sont tenus de promouvoir et de protéger.
Beaucoup de justiciables de par l’Afrique en général et du Togo en particulier éprouvent souvent des difficultés à avoir accès au droit et surtout à la justice qu’ils considèrent comme très chère et qui n’est ainsi réservée qu’aux riches.
C’est pourquoi, plusieurs d’entre eux abdiquent lorsqu’ils sont confrontés à la justice où leurs droits et intérêts, parfois violés ou brimés, devaient normalement être restaurés ou rétablis.
Etant donné que les justiciables ne connaissent pas les méandres de la justice, la loi leur permet de recourir au service des Avocats, qui sont des spécialistes qui se chargent de défendre, d’assister et de représenter les justiciables par-devant la justice dont l’accès est, dans les pays développés, favorisé par l’institution de l’aide juridictionnelle (I) que tous les pays devaient, coûte que coûte, instaurer (II) pour le bien-être de leurs populations.
- Signification et contenu de l’aide juridictionnelle
L’aide juridictionnelle est une aide accordée par l’Etat aux personnes qui veulent faire valoir leurs droits en justice et qui disposent de faibles ressources et moyens.
L’aide juridictionnelle permet donc aux justiciables de bénéficier d’une prise en charge totale ou partielle par l’Etat des honoraires et frais de justice non seulement des Avocats, mais aussi des Huissiers, des Experts et autres s’ils ont de faibles ressources et moyens.
Généralement, l’aide juridictionnelle est attribuée aux justiciables s’ils répondent aux conditions suivantes:
- Leurs ressources sont inférieures à un plafond,
- L’action en justice envisagée n’est pas irrecevable ou dénuée de fondement,
- Ils ne disposent pas d’une assurance de protection juridique couvrant les frais.
L’aide juridictionnelle a été prévue au Togo par l’ordonnance N°78-35 du 07 Septembre 1978 portant Organisation Judiciaire. L’article 10 de cette ordonnance dispose que « La justice est gratuite sous réserve des droits de timbre et d’enregistrement, des émoluments des auxiliaires de justice et des frais effectués pour l’instruction du procès ou l’exécution des décisions judiciaires. Ces frais sont à la charge de la partie qui succombe, l’avance en est faite par la partie au profit de laquelle ils sont engagés ».
Cependant, elle tarde à être effective et notre souhait est que les autorités compétentes africaines en général et du Togo en particulier prennent conscience et la mettent en œuvre afin que l’accès au droit et à la justice soit manifeste et vivant dans notre monde actuelle où rien ne peut se faire véritablement sans une dose de justice qui fait, immanquablement, intervenir l’Avocat.
- PLAIDOYER POUR L’INSTITUTION DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE EN AFRIQUE ET POUR SA MISE EN ŒUVRE AU TOGO
Nicolas MACHIAVEL affirmait que « Là où la volonté est grande, les difficultés diminuent ». Il est donc du devoir de tous les peuples africains en général et du Togo en particulier de se mobiliser pour faire instaurer ou pour rendre effective l’aide juridictionnelle qui est un véritable Droit de l’Homme.
En effet, la présence d’un Avocat aux côtés des justiciables ne peut que renforcer la justice et la rendre plus crédible étant donné qu’à ce jour, beaucoup de critiques sont formulées contre elle pour le fait qu’elle ne serait ni impartiale ni indépendante.
Si nous prenons l’exemple du Togo, sa loi fondamentale du 14 Octobre 1992 prévoit en son article 16 alinéa 3 que « Tout prévenu a le droit de se faire assister d’un Conseil au stade de l’enquête préliminaire ».
Cependant, à ce jour, plusieurs togolais n’arrivent pas à s’offrir le service d’un Avocat d’où la nécessité pour les Autorités compétentes de rendre effective l’aide juridictionnelle au profit des citoyens démunis.
Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques du 16 Décembre 1966, entré en vigueur le 23 Mars 1976 n’avait pas manqué, et cela moult années avant plusieurs constitutions africaines, de prescrire en son article 14-3-d) que « Toute personne accusée d’une infraction pénale a droit … à se défendre elle-même ou à avoir l’assistance d’un défenseur de son choix ; si elle n’a pas de défenseur, à être informée de son droit d’en avoir un, et, chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, à se voir attribuer d’office un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens de le rémunérer ».
L’exigence de la présence d’un Conseil aux côtés d’un prévenu ou d’un accusé est donc une question des Droits de l’Homme à laquelle chaque Etat doit apporter une réponse appropriée.
En violant ce Droit de l’Homme que constitue l’aide juridictionnelle, la souffrance des populations de notre continent en général et du Togo en particulier n’ira que de façon croissante et les Etats eux-mêmes ne connaîtront pas de quiétude car comme l’a si bien reconnu René Samuel CASSIN, l’un des Rédacteurs de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, « Il n’y aura pas de paix sur cette planète, tant que les Droits de l’Homme seront violés en quelque partie du monde … ».